Les vieux veulent juste être entendus ! Le coup de gueule de Paule, 89 ans, pour un autre regard sur la vieillesse....

Publié le par Sam Menerve

Paule Giron, 89 ans, milite pour que la société cesse de rendre ses vieux invisibles. Et qu’on arrête de ne voir dans l’âge qu’un « naufrage ».

« Depuis mes 25 ans, contrairement à pas mal de femmes de ma génération, j’ai eu la chance de travailler tout en m’occupant de mes trois enfants. J’ai vécu Mai 68 et l’effondrement du patriarcat. Après tout ça, quand j’ai atteint l’âge de la retraite, rester chez moi à ne rien faire n’était pas une option. Je me suis tournée vers le bénévolat, d’abord auprès des premiers malades du sida, puis en soins palliatifs. Quand j’ai eu 80 ans, mon mari est parti. Je n’allais sûrement pas me mettre à jouer les veuves éplorées. J’ai commencé à me poser des questions sur cette curieuse vieillesse. C’est quoi ce truc qui a l’air d’être vécu comme un naufrage et dont tout le monde se plaint, même les vieux eux-mêmes ?

« On ne peut pas passer notre temps à attendre la mort »

Le jour de son anniversaire, un ami de 70 ans m’a dit qu’il était en sursis. Je lui ai répondu : «Mais si tu vis encore vingt ans, tu vas être en sursis pendant deux décennies ?» Ce n’est pas viable. On meurt de plus en plus âgés, on ne peut pas passer notre temps à attendre la mort. La société pense qu’elle traite bien ses vieux mais elle ne fait que de la gestion. La crise des Ehpad l’a prouvé récemment. [En janvier dernier, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes se sont mis en grève pour dénoncer les sous-effectifs qui les empêchent de soigner leurs patients dignement, ndlr.] Or, les anciens ne demandent pas à être gérés, ils veulent être entendus et acceptés tels qu’ils sont.

¾ des personnes de plus de 85 ans sont toujours autonomes

En observant mon entourage, j’ai remarqué qu’il existe trois catégories de vieux. Ceux qui refusent obstinément de vieillir et qui passent par toutes les chirurgies plastiques possible pour avoir l’air plus jeunes. Il faut avoir les moyens et ça donne surtout l’air botoxé ! Il y a ensuite ceux qui qui n’arrêtent pas de geindre, «mes pauvres jambes par-ci, mon pauvre dos par-là». Oui, nos membres se détraquent les uns après les autres, mais se contenter de le subir est un enfer. Et puis il y a ceux, comme on essaie de le faire au sein de l’association Old’Up, qui cherchent à penser la vieillesse et à lui donner une autre image. 80% des vieux sont bien portants. On ne parle que d’Alzheimer et des AVC, mais la plupart d’entre nous ne vont pas si mal que ça. Nous ralentissons, c’est tout. A notre tempo.

En 2050, 16% de la population aura plus de 75 ans, soit deux fois plus qu’aujourd’hui

L’air du temps est tellement jeuniste, centré sur la performance, que nous sommes considérés comme inutiles. C’est frappant lors des dîners de famille. Je suis grand-mère, bientôt arrière-grand-mère, et on ne me demande mon avis sur rien. C’est comme si j’étais déjà hors du monde. Pourtant, j’en suis persuadée, les vieux peuvent apporter leur sagesse, un autre regard sur le conflit entre les générations et un recul sur l’état actuel des choses. Un jour, ma fille m’a dit «quand je te vois vieillir, tu me rends un avenir». Voilà ce que je veux : mourir vivante !

* Paule Giron est membre de l’association Old’Up qui veut donner du sens à la vieillesse. Par le passé, elle a été journaliste au Monde, à L’Express et à Elle. En 2017, elle a publié l’essai Vieux et debout ! (éd. InPress, 140 p.,13,50€).

https://www.neonmag.fr/les-vieux-veulent-juste-etre-entendus-le-coup-de-gueule-de-paule-89-ans-pour-un-autre-regard-sur-la-vieillesse-518421.html

 

 

Publié dans Actualités, France, Retraites

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