En Guadeloupe, les ouvriers de la banane malades d’un pesticide dévastateur et oubliés de l’État français....

Publié le par Sam Menerve

Pendant plus de deux décennies, le chlordécone, un insecticide ravageur, a contaminé la quasi totalité de la population antillaise. Malgré son interdiction définitive il y a 25 ans, ce puissant perturbateur endocrinien utilisé dans les bananeraies ne disparaîtra pas des sols de Guadeloupe et de Martinique avant plusieurs siècles. Les premiers touchés sont les ouvriers agricoles. Ils sont pourtant les grands laissés pour compte de ce scandale sanitaire. Certains ont décidé de lever le voile sur leurs conditions de travail. Ils veulent que leurs problèmes de santé, dont de nombreux cancers de la prostate et leucémies, liés aux différents pesticides employés et à la pénibilité du métier, soient enfin reconnus comme maladie professionnelle. Reportage en Guadeloupe.

Il est 15 heures à Capesterre-Belle-Eau, « capitale » de la banane en Guadeloupe. Ce lundi de Pentecôte, une vingtaine d’ouvriers ont pris place sur les bancs du petit local de la CGT Guadeloupe (CGTG), près du stade. Ils sont venus témoigner de la pénibilité de leur travail, et parler du chlordécone, un insecticide extrêmement toxique utilisé jusque dans les années 1990 dans les plantations antillaises. Mais les visages restent fermés et les mots ne sortent pas. « Camarades, lâchez-vous ! Il y a un journaliste parmi nous ! », lâche en créole Jean-Marie Nomertin, le secrétaire général de la CGTG, syndicat majoritaire dans le secteur de la banane.

Quelques minutes plus tôt, une femme avait rompu le silence. Elle s’était avancée, le regard fixe et déterminé, pour raconter son histoire. Le récit d’une vie d’ouvrière de la banane : 32 ans au service de la plus grosse plantation de l’île, la SA Bois Debout, dirigée aujourd’hui par Guillaume Block de Friberg, l’héritier des Dormoy, grande famille de propriétaires, installée en Guadeloupe depuis 1870. Pendant 20 ans, Marie-Anne Georges a épandu à la main, « sans masque, avec juste un gant et un seau », plusieurs types d’insecticides extrêmement toxiques, dont le Képone et le Kurlone, les deux formules du chlordécone utilisées aux Antilles. Jusqu’à ce qu’elle tombe malade, d’un cancer du sang.

La « banane française », qui vient de Martinique et de Guadeloupe, est cette année fournisseur officiel du Tour de France. « Je suis fier d’accueillir sur le Tour un partenaire aussi soucieux des valeurs familiales et des bonnes pratiques agricoles », se réjouissait il y a deux mois Christian Prudhomme, le directeur du Tour. Des paroles qui ont dû en surprendre plus d’un dans les plantations antillaises. Car encore aujourd’hui, les travailleurs de la banane française font les frais, par leur santé, de pratiques agricoles toxiques qui ont perduré aux Antilles alors même qu’elles étaient interdites en métropole.

https://www.bastamag.net/En-Guadeloupe-les-ouvriers-de-la-banane-malades-d-un-pesticide-devastateur-et

 

Publié dans Actualités, France, Monde, Santé

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