Déforestation : « En Amazonie, c’est trop tard, on remplace les arbres par du soja transgénique »

Publié le par Sam Menerve

Botaniste, spécialiste des forêts primaires, Francis Hallé s’est fait connaître par ses expéditions sur le Radeau des cimes, à bord duquel il a pu explorer la canopée des forêts tropicales. Auteur de nombreux ouvrages sur l’arbre, il a tourné, avec Luc Jacquet, le documentaire Il était une forêt. Dans cette interview, il revient sur le rôle essentiel que jouent les arbres dans les villes, et les forêts pour la planète.

Cet article a initialement été publié dans le magazine Kaizen.

Stéphane Perraud : Dans quel état se trouvent les forêts primaires aujourd’hui ?

Francis Hallé : Il n’y en a quasiment plus ! Les forêts sont dites primaires quand elles n’ont jamais subi la moindre destruction humaine. Il y a quarante ans on en trouvait encore beaucoup à la surface du globe. Aujourd’hui, il n’en subsiste que des lambeaux, dans la boucle du fleuve Congo, en Australie, dans le Grand Nord canadien, en Sibérie… Seuls le climat très difficile ou l’absence totale d’accès les protègent encore de la folie destructrice des hommes. En Amazonie, c’est trop tard. On rase les arbres pour les remplacer par du soja transgénique et de l’élevage.

Pourquoi est-ce si inquiétant ?

La forêt joue un rôle déterminant pour la survie de l’humanité. Les arbres purifient l’atmosphère en absorbant du gaz carbonique et en rejetant de l’oxygène [1]. Couper un arbre revient à détruire une usine d’épuration naturelle. Les arbres attirent la pluie. Leur feuillage et leur système racinaire filtrent l’eau. Ils jouent également un rôle de stabilisateurs pour les sols. Et bien sûr, ils abritent une flore et une faune exceptionnelles. Ce sont nos alliés, nos protecteurs. La disparition des forêts primaires n’est pas irréversible, mais pour passer d’une forêt secondaire (qui a repoussé après exploitation) à une forêt primaire, il faudrait la laisser tranquille pendant sept siècles !

Que pensez-vous de la forêt française ?

Elle est encore en relativement bon état. Mais elle ne joue pas du tout le même rôle que la forêt tropicale qui fonctionne douze mois sur douze et qui concentre un maximum de biodiversité. En France, nous avons une forêt jardinée. Globalement, les gens qui s’en occupent sont compétents. Même si je constate que l’ONF (Office national des forêts) qui gère la forêt publique a désormais pour ambition de faire de l’argent, comme dans le privé. Beaucoup d’agents de l’ONF ont une sensibilité écologique, mais la politique nationale leur impose d’exploiter la forêt avec une vision plus mercantile qu’avant.

On entend souvent qu’une forêt a besoin d’être entretenue pour rester en bonne santé…

C’est une hérésie ! Les forêts existent depuis plus de 350 millions d’années, elles se portaient très bien avant l’arrivée de l’homme. Elles ont su se reconstituer après chaque évolution climatique majeure. Plus on intervient dans une forêt, plus on la fragilise. Il faut au contraire laisser faire la nature. Le bois mort au sol par exemple préserve les micro-organismes. Une forêt détruite par un incendie repoussera mieux si on n’intervient pas. Sa capacité de régénération est incroyable. Saviez-vous que lorsqu’on coupe une branche, on favorise l’arrivée des maladies ? Au Jardin des Plantes à Paris, on trouve des arbres tricentenaires qui n’ont jamais été taillés. Ils se portent très bien et ne sont pas dangereux pour les visiteurs.

Source: Bastamag via Blogapares

Publié dans Actualités, Monde

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